Un conseil de gestion riche
Impact de la pêche, élevage de saumons, randonnée équestre, trail et anniversaire du Parc
Le conseil de gestion du Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale s’est réuni ce lundi 4 juillet à Saint-Valery-sur-Somme.
Pêche embarquée : quels risques pour l’environnement, quelles solutions mettre en œuvre ?
Le Parc naturel marin engage une importante concertation avec les membres du conseil de gestion et les acteurs de la pêche professionnelle. L’enjeu : accompagner le développement durable de l’activité de pêche en mer. Cette « analyse risque pêche » (ARP) est menée dans le cadre de Nature 2000 en mer, à l’échelle européenne.
Le conseil de gestion s’est vu rappeler le cadre méthodologique de ce projet. Le premier objectif est d’établir conjointement une « carte des risques » qui localise les sites selon leurs sensibilités environementales. Dans un second temps, il s’agira de définir les mesures qui s’appliqueront selon ces degrés de sensibilité. Les mesures concerneront l’activité de pêche professionnelle embarquée et viseront à l’évolution des pratiques vers toujours plus de durabilité.
Un diagnostic initial des sites dans le Parc naturel marin a été partagé pendant la séance par le Comité Régional des pêches maritimes et des élevages marins des Hauts-de-France.
Trois avis
Le conseil de gestion du Parc naturel marin était saisi par les services de l’Etat pour rendre trois avis :
1) Avis sur le projet d’élevage de saumons de la société « Local Ocean France » dans le port de Boulogne-sur-Mer
Le Parc naturel marin devait se prononcer sur un important projet de ferme aquacole situé dans le port de Boulogne-sur-Mer. Il présente des enjeux majeurs pour le Parc et en particulier pour la qualité de l’eau et la biodiversité.
La société Local Ocean France projette de construire et d’exploiter une ferme aquacole de saumon atlantique (Salmon salar) sur le site portuaire de Boulogne-sur-Mer d’une capacité de production d’un peu moins de 9 000 tonnes par an. Le projet est situé sur le territoire de la commune de Le Portel au sein de la zone industrialo-portuaire de Boulogne-sur-Mer.
Le renouvellement de l’eau des bassins d’élevage ainsi que leur refroidissement seront effectués via des prélèvements en eau de mer dans la Manche. Les eaux usées industrielles seront rejetées après traitement dans la mer, au niveau du bassin Ro-Ro. Bien que cet emplacement ne soit pas dans le périmètre du Parc naturel marin, le Parc a une responsabilité pour de nombreuses espèces marines mobiles (mammifères marins, oiseaux) fréquentant le port de Boulogne sur Mer et pour la qualité globale du milieu qui pourrait être impactée par les rejets.
En effet, l’eau rejetée libérera des matières en suspension dans la mer et elle augmentera localement la température de l’eau de 3°C en moyenne et de jusqu’à 10°C. L’utilisation de produits pharmaceutiques - qui ne seraient pas filtrés - pourra en outre hypothétiquement impacter la qualité de l’eau.
La quantité d’eau prélevée au large et d’eau rejetée dans le port est identique. Elle de l’ordre de 7 500 m3/h soit l’équivalent de deux piscines olympiques par heure.
Par ailleurs, la ferme aquacole sera implantée sur un site important pour plusieurs espèces mobiles pour lesquelles le Parc a une responsabilité. En effet, on y trouve des sites de nidifications pour la mouette tridactyle, le grand gravelot, les goélands et d’autres oiseaux, et des reposoirs de phoques veau-marin. La superficie totale qui sera occupée est d’environ 12,6 hectares.
Le Parc naturel marin a été saisi par les services de l’Etat pour rendre un avis simple. Or, ce projet est indéniablement « susceptible d’altérer de façon notable » le milieu marin d’un Parc, ce qui devrait obligatoirement justifier que l’avis soit conforme (Article L334-5 du Code de l’environnement).
Pour rappel, l’avis conforme peut être favorable, favorable assorti de réserves et/ou de prescriptions ou défavorable. Dans ce dernier cas, le projet ne peut être autorisé en l’état et les services de l’Etat instructeurs du dossier sont tenus de rejeter la demande d’autorisation.
En l’absence de qualification de cet avis comme « conforme » par le Préfet du Pas de Calais, le conseil de gestion du Parc marin se voit dessaisi de ses prérogatives. Ses membres ont exprimé en séance leur très vive désapprobation.
Au regard des enjeux notamment sur la qualité de l’eau du Parc et sur les espèces mobiles pour lesquelles le Parc a une responsabilité, le Conseil de gestion estime nécessaire d’enrichir et de préciser de nombreux éléments relatifs à l’état initial du site et de son environnement. Des inventaires spécifiques devront notamment être élaborés. Le conseil de gestion est en outre soucieux de l’éventuel impact de la composition du panache de rejet, notamment sur les zones conchylicoles et de baignade.
Pour ces raisons, le Conseil de gestion a statué à sa majorité l’impossibilité de se prononcer sur le dossier tel que présenté. Il sollicite auprès des services de l’Etat : un délai supplémentaire pour que Local Ocean France complète le dossier puis un nouveau passage en séance de Conseil de gestion, pour un avis qui pourra être qualifié « conforme » étant donné l’effet notable du projet sur le milieu marin du Parc.
2) Avis sur l’organisation du Trail de la Côte d’Opale
Le trail de la Côte d’Opale est une course pédestre organisée depuis 2007 : les 10 et 11 septembre se tiendront sa 15e édition. Le trail comporte cinq courses différentes, de 7, 14, 18, 24 et 62 km. Il se déroule sur les communes d’Ambleteuse et de Wimereux, dans le Parc naturel marin et le site Natura 2000.
Environ 3 500 participants sont attendus.
L’organisateur du trail annonce des mesures pour éviter les impacts potentiels de l’évènement sur le milieu littoral et marin :
- Canalisation des concurrents aux deux points sensibles de rentrée (cordon de galet et espaces végétalisés) et de sortie de l’estran (dunes) ;
- Evitement des secteurs fragiles de pied de dunes et de laisses de mer par la pose systématique de rubalise tout le long de l’estran ;
- Horaires de début et de fin de passage sur l’estran garantissant une circulation possible sur le milieu/bas de plage ;
- Mise en retrait des spectateurs.
Le Conseil de gestion considère que l’organisateur du Trail Côte d’Opale a tenu compte des préconisations dans ses délibérations précédentes et émet un avis favorable.
Suite à l’éboulement d’une partie de la falaise à la Pointe aux Oies, l’itinéraire a dû être modifié récemment. Le conseil de gestion préconise que l’organisateur mette en œuvre la canalisation de la remontée des participants depuis la plage vers le parking des Allemands, comme prévu pour l’itinéraire précédent, et ce afin d’éviter un piétinement des espaces végétalisés.
3) Avis sur l’organisation de la course équestre Equirando
L’Equirando est une manifestation sportive regroupant entre 600 et 1 000 cavaliers au sein de la réserve Nationale Naturelle de la Baie de Somme et de sites Natura 2000, avec une boucle sur le domaine public maritime du Parc naturel marin. Elle est prévue le 30 juillet. L’évènement sera organisé sur ce site pour la première fois, étant itinérant.
La Réserve de la Baie de Somme est un espace protégé à responsabilité forte pour de nombreuses espèces d’oiseaux. La course se déroulera, à marée montante, sur une zone utilisée par de nombreuses espèces pour l’alimentation, le repos, la halte migratoire, et pour certaines la nidification. De plus, la période estivale est une période de forte activité dans la baie de Somme, ce qui ne laissera que peu de secteurs libres où les oiseaux dérangés par l’évènement pourraient se réfugier.
Par ailleurs, l’estuaire de la Somme regroupe l’une des plus grandes colonies françaises de phoques veaux-marins, c’est également une zone d’accueil importante pour les phoques gris. La course se déroulera durant une période sensible pour les phoques veaux-marins (période de mise bas et d’allaitement des jeunes). En raison de leur hauteur, les cavaliers sur leurs chevaux peuvent générer des dérangements de phoques à des distances plus importante que des promeneurs. Ce dérangement peut induire du stress et un risque d’abandon de jeunes durant cette période très sensible.
Un tel nombre de chevaux aura en outre inévitablement un impact fort sur des habitats littoraux, avec par exemple le piétinement de prés-salés ou encore de pieds de dunes qui y sont très sensibles. Concernant les prés-salés, des espèces végétales fragiles et protégées seront concernées, telles la Puccinellie ou Atropis maritime (Pucinellia maritima) et l’Obione faux-pourpier (Halimione porticuloides).
Le Conseil de gestion a intensément débattu de la possibilité d’accueillir un si grand nombre de chevaux en simultanée dans le périmètre d’une Réserve naturelle.
Au regard des enjeux pour les oiseaux, les mammifères, les végétaux et plusieurs habitats du Parc naturel marin, le Conseil de gestion a émis un avis favorable assorti des recommandations suivantes :
- Inverser le sens de la boucle proposée dans la Réserve Naturelle. En effet, la marée étant haute à 14h, les oiseaux suivant le flot, cette inversion de sens diminuera l'impact du passage des cavaliers sur l'avifaune,
- Respecter scrupuleusement le balisage pour préserver la zone de prés-salés,
- Prévoir un maximum de 30 cavaliers de front et non 40 comme prévu : la largeur entre la digue du Parc ornithologique et les prés-salés est d’un maximum de 40 mètres,
- pour les secours, éviter le quad sur la réserve et privilégier le 4x4 (moins bruyant et impactant pour les espèces sujettes au dérangement).
10 ans du Parc
Le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale est né le 13 décembre 2012, date de signature de son décret de création.
Fin 2022, l’heure sera au bilan de cette première tranche de vie, à la célébration des actions à venir et au partage des découvertes avec le plus grand nombre. L’équipe technique du Parc prépare un programme dédié qui vous sera bientôt communiqué !
10 ans dans la vie d’un Parc marin, c’est un grain de sable. Pour le phoque et le bar, ce serait l’entrée dans l’âge adulte. Pour le Lilas de mer, c’est dix floraisons. Cela représente la vie entière d’un Gravelot à collier interrompu, deux générations complètes de crabe vert ou de vers arénicole et 10 de puce de mer.
10 ans, en somme, ce sont les noces d’étain du Parc marin avec sa biodiversité !